Un toit au soleil !

Publié le par M. AFRYC

Lors de ce dernier séjour, j'ai passé deux mois dans une de ces villas toutes semblables.  Sur les côtés, le mur de clôture était voilé par une haie, saccagée à la machette pour lui donner un semblant d'alignement ; à l'arrière, c'était le mur, haut, de la maison voisine et devant les portails et les vagues du mur donnant sur la vons.  Partout, c'était du sable où poussaient des herbes folles, qu'habitaient des colonies de fourmis et que visitaient les margouillats ; on me disait qu'il fallait balayer cet espace tous les matins, enlever l'herbe et ne laisser rien au pied des arbustes de la haie ; j'ai désobéi sereinement !  Pas de vue derrière la maison, presque pas sur les côtés, ce n'est que sur le devant que ma vue pouvait s'égarer un peu : bâtiment vide de l'autre côté de la vons, palmes par-dessus les toits, terrasse de l'immeuble où se trouve le cyber trois étages dessous !

Voir le soleil se lever, se coucher ?  Il fallait sortir et trouver une vons dans le bon axe et pas trop fréquentée, se tenir en son milieu…  Aller loin pour avoir une idée d'horizon sans bâtisses ou chantiers ! 

Le mois suivant, c'était encore une de ces villas mais celle-ci était plus grande ce qui réduisait les entours à des ruelles dallées sur trois côtés et à un espace vert en façade (quelques mètres carrés de pelouse bordée d'un rang clairsemé d'arbuste en imitation de nos buis), quelques plantes en pots et l'inévitable haie cachant mal le mur.  Héroïque, un hibiscus fleurissait dans l'étroitesse d'un passage encombré de pots de peintures ; un bananier, lourd de son régime, s'appuyait sur une béquille ; deux papayers me toisaient ricanant en tenant leurs fruits hors de ma portée (qu'ils croyaient) !  Pas mal mais voir ?  Rien à voir et peu d'espace pour circuler ! 

Alors il me fallait rester là ou bien sortir et marcher : le cyber et puis le goudron, le pavé, le sable d'une vons ; et puis, je pouvais...
rencontrer des margouillats, des oiseaux, des insectes, apercevoir un chat, un rat, entendre un chien ;
voir des maisons, des murs de maison, des murs de clôtures ; 
voir des parcelles en fouillis d'herbes et d'autres squattées pour quelques rangs de gombos, de manioc, une touffe de tomate, un papayer ou deux… 
saluer des gens sur leurs seuils, assis à l'ombre ou travaillant au soleil, saluer des enfants allant ou revenant de l'école, kakis et sac au dos… 
rêver assez pour me faire klaxonner, et imaginer des choses au-dedans de ce qui se voit, comme au-delà des apparences et de ce que l'œil atteint. 
rencontrer un cheval maigre broutant une herbe rare au milieu de plants indigestes, au bout d'une longe trop courte pour son ambition ; un cheval las, solitaire, qui n'a pas répondu à mon salut !... 
croiser des groupes de moutons ou de chèvres, pressés, affairés, acharnés au travail de voirie et s'offrant quelques extras dans ces parcelles en friche, ne se laissant pas distraire par mon ombre pâle ou mes saluts barbares !... 
échanger des mots avec un oisif, saluer un travailleur, commencer à parler et se heurter à des mots inconnus ! 

Alors, m'adosser à quelque tronc pas trop envahi par les fourmis et autres insectes, hisser mon regard jusqu'à son sommet pour voir plus loin, ou choisir un faucon, un épervier et utiliser son œil pour voir les détails du sol, ou l'un de ses oiseaux au vol vif et regarder loin devant, enfin !

Et puis je suis venu ici, laissant la cour à son enfermement, dans un appartement clôt de nacos au verre martelé qui me laisse voir des tranches d'espace ou de toits ; mais il y a la terrasse et là, tout change et l'œil enfin peut aller loin jusqu'à cet horizon que le ciel ferme ! 

Là, mon esprit a pu enfin étendre ses membres engourdis !

Publié dans Humeur

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