La source sait-elle où va l'eau ? Coupure...

Publié le par M. AFRYC

Deux gamins m’ont suivi en disant qu’ils avaient soif, je leur ai parlé de la coupure mais ils ont continué de me suivre, jusqu’à la boutique où je me suis approvisionné puis jusqu’au portail qui ne ferme toujours pas… Je les ai fait entrer pour partager un peu d’eau de ma bouteille.
L’un est en kaki et l’autre non, ils sont frères et les maîtres sont en grève, encore ! Le kaki feuillette les « Lettres de mon moulin », ne commente pas et demande où sont les balais et tandis que l’un chasse la poussière des fauteuils à coup de torchon, le kaki balaye la pièce. La poussière, poussée dehors, il entreprend de balayer les dalles, son frère le rejoint ; ils songent même à évacuer les feuilles mortes, que je fais vite remiser au pied de la haie où elles se transformeront en humus ou, du moins, limiteront l’évaporation !
Oh ! Des papayers ! Vous en voulez ? Avant que je ne réponde kaki embrasse le tronc et se hisse, (un peu dur) cueille et glisse ; je le laisse s’occuper de sa proie. La paillasse de l’évier est trop haute, qu’importe ! La serpillère devant recueillera les épluchures en amortissant les coups de couteau sur le sol ! L’usage veut qu’on lave les papayes pelées ; un fond de verre dans le creux d’une main douteuse et on frotte !
Kaki a dix ans, son frère un peu plus ; initiale du nom ‘G’, initiales de leurs prénoms ‘G’, originalité ou béninoiserie ?
Je les ai aidés, un peu, à manger leur papaye et ils sont repartis avec une autre pour la maison.
Toujours pas d’eau ; les bougies que j’utilise en cas de coupure de courant ne me servent à rien ; foutre diable, on en fait des choses avec l’eau et manger autant que boire, toiletter…!
Au retour de promenade, j’ai rencontré G.G. ; il m’a emmené voir sa maison, je l’ai suivi ; peau blanchie de poussière, slip jaune canari sans doute au début de sa vie. Devant une maison de briques pareille à une double entrée-coucher, des enfants, un plateau de marchande et quatre femmes qui se demandent, comme moi, ce que je fais là : sauf la mère du kaki d’hier qui semble avoir été informée par le canari du jour. Elle demande si elle pourrait visiter la maison dont on lui a parlé, je ne suis pas chaud et je crois le faire savoir par ma réponse évasive.
Au bureau du lotissement, on me dit que certains propriétaires n’ont pas payé et donc l’eau est coupée pour tous ‘il n’y a qu’un tuyau monsieur’ !...
Vers treize heures la paire de double ‘G’ débarque, lavée de frais, vêtue de propre, flanquée d’une sœur et suivie d’une mère trop grosse qui canarde gentiment derrière son ventre. J’annonce qu’il n’y a toujours pas d’eau, elle prend possession du canapé et s’y vautre ! Un de mes correspondants parle avec elle, il va taper dans mon fond de bouteille pour elle ! Au retour d’un aparté avec lui, les garçons sont en train de chasser la poussière des nacos, l’air éternue, je les bloque dans leur déchaînement de bonne volonté. Puis je dois partir et chacun récupère ses claquettes. Mon correspondant me dit qu’elle lui a demandé s’il y avait assez d’eau pour faire à manger !
Je ne sais pourquoi je pensais à Tony Duvert ! A ce roman qui avait eu les honneurs du « Point » ou de « L’Express » à sa sortie il y a quelques lustres ! « Journal d’un innocent » peut-être. Ma bibliothèque me manque !
Il y a quelques paires d’années, à Pikine au Sénégal, une mère de famille voulait troquer son fils de 12 ans contre un sac de riz (valeur 18,29 € environ) : « tu en fais ce que tu veux ! Il faut qu’il m’aide à nourrir ses frères ! » ; le garçon aurait bien aimé, mais toutes ses qualités ne modifiaient pas les lois !

Publié dans Rencontres

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