Réveil, bruits d'éveil, Harmattan
Un des premiers bruits du matin, c'est une toux ; parfois même avant celle des coqs ; puis c’est le schchift, sschiiiffft… des balais dans les cours, le devant des maisons, le bruit de plats que l’on remue et des voix grognonnes ; ensuite viennent celles des moteurs, coquelucheuses et grimpant vers les aigus.
On tousse, mouche, crache et on accuse l’harmattan, la fraîcheur et le sable qu’il secoue sur nous ! C’est vrai, au ras des vons de petits nuages jaunes ou gris folâtrent derrière chaque pied, les voitures jouent les mariées et s’en font un voile, une traine…
Hier, attendant entre goudron et pavé quelqu’un qui n’est jamais venu, j’ai copieusement respiré poussière et sable, fumée des feux de branchages, et gaz d’échappement ; je songeais à une autre fin de journée, près de Dakar.
Sur le terrain de foot, des vautours se disputaient une charogne ; au-dessus, deux corbeaux à bavoir blanc, se chamaillaient ou jouaient et, se tenant par les pattes, tombaient en tournant comme des fruits d'érable qu'on nomme hélicoptère ou pince nez dans les cours de récréation. Deux équipes se disputaient le ballon dans le soleil couchant, le sable que leurs pieds soulevaient formait autant de nuages dorés sur lesquels ils se déplacaient. Une femme, panières sur la tête, traverse ; les joueurs arrêtent leur jeu et la regardent, les spectateurs la regardent ; altière, indifférente, elle diagonale vers l’air bleu de l’avenue et son passage supérieur !
Ce matin, je crache, tousse, mouche et je songe à cette photo (*) admirée hier, d’un canal immobile coulant vers un lointain imaginaire… être ici et là en même temps… autre rêve !
Il est ‘sept heure moins’ l’oiseau demande « t’es cuït bol de riz ? », un autre répond « t’as qu’à voir, t’as qu’à voir ! », à moins que je ne me trompe et qu’il dise « l’soleil vient, l’soleil vient ! » ; le jour se lève indolent et drapé dans sa brume sèche, comme on voit ici certains commencer la journée vêtus du drap de leur nuit !
