Deuil
C'était près de Dakar, dans la maison où j'avais ma chambre ; "la vieille" était morte !
Cris et pleurs de location à chaque nouvelle arrivée, hurlements et course dans l'escalier de qui ne veut pas rester abandonnée et veut sauter du toit... Cris et pleurs qui ne dérangent pas ceux qui sont occupés à se réjouir de se rencontrer après tant de temps, mais qui s'éteignent lorsque survient une coupure de courant et que tout devient noir dans la maison, que les voix deviennent murmures (allez savoir pour quoi ils baissent le ton, un ange passerait-il ?).
Le courant est revenu ; le silence s'est fait vers minuit. A une heure, entrée en scène de deux nouvelles pleureuses et nous voilà reparti pour une grande heure de pleurs, de cris et de gémissements ponctués par les bruits de savates, et certaines voix de basses grommeleuses.
J'ai fait le serment que si, à mon départ, il se faisait le quart de la moitié du début de l'idée d'un tel cinéma, je consacrerais la part d'éternité correspondant au reste de leur existence à hanter les coupables ; que soient justifiées ces manifestations d'attachement posthume.
Et la vaste ronde de voitures, tous ces gens venus de partout, qui sont entrés dans la maison au prétexte de présenter leurs condoléances mais aussi pour fouiner et en voir le plus possible ; j'ai eu droit à ces incursions dans ma chambre et quelqu'un a même sollicité la permission d'user de mes toilettes. J'espère que les bonnes avaient garées les choses de valeur !
Et puis, s'asseoir sous la tente dressée devant la porte ! Pour se recueillir ou tenter de ne pas entendre la voix qui demande "quand est-ce qu'on mange" d'un estomac qui lorgne vers la vapeur s'élevant des grands chaudrons ?